Vivre 10 mois en immersion sur 3 continents pour rencontrer des acteurs de l’économie circulaire. Travailler avec 20 entrepreneurs pour mesurer leurs impacts sur la société et l’environnement en créant une méthodologie spécifique. Vous faire découvrir les visages de l’économie circulaire et les dessous de la mesure d’impact. 7 articles croustillants – 7 reportages vidéo – de délicieux portraits. Tel est le projet de 2 Centraliens !
Rio est une métropole qui ressemble au premier abord à une ville européenne, chaleur et palmiers en plus. À notre arrivée, les quartiers de la zone sud de la ville nous apparaissent comme un havre de paix après Mexico et Bogota.
Pain de sucre, statue du Christ Rédempteur, plages de Copacabana et Ipanema… La liste des sites mondialement connus aux sonorités paradisiaques est longue. Les jeux olympiques 2016 seront accueillis dans un cadre splendide.
Les JO 2016 annoncés comme catalyseurs du développement de grands projets environnementaux et sociaux au sein de Rio
Le programme Jogos Limpos a été initié dans ce but par la mairie : un tramway est en construction et des mesures ont été annoncées pour dépolluer la baie de Guanabara, qui reçoit aujourd’hui une grande partie du tout-à-l’égout carioca. Cependant, les mesures annoncées dans ce cadre nous semblent bien faibles pour répondre sérieusement, et sur le long terme, aux immenses problématiques d’une ville qui rejette 80% de ses eaux usées directement dans la mer, n’est dotée d’aucun réseau d’eau potable et envoie chaque jour 9 000 tonnes de déchets en décharge, sans aucun tri préalable. Malgré les grands plans annoncés, les projets concrets et pérennes en faveur de l’environnement se comptent sur les doigts d’une main. Il va falloir aller chercher ailleurs les initiatives circulaires…
Nous nous sommes peu à peu rendus compte de la grande complexité de la ville en l’explorant.
Rio ne se limite bien évidemment pas aux quartiers touristiques de la zone sud. Rio compte 264 favelas, ces quartiers populaires situés à flanc de montage, parfois enclavées au sein des plus beaux quartiers de la ville. Ces disparités apparentes rappellent les fractures sociales et les immenses inégalités qui persistent au Brésil. Les nombreux bâtiments délabrés et les raccordements informels au réseau électrique dans le centre historique font également prendre conscience des besoins de rénovation dans ces quartiers désertés par les touristes et la population aisée. Dans ces zones, pas de vélos en libre-service ni de projets de piste cyclable.
Et pourtant, force est de constater que c’est dans ces quartiers que nous avons relevé la plus grande impulsion en faveur d’un développement durable.
Sans subventions ou soutien quelconque de la mairie, des entrepreneurs, activistes et passionnés portent et développent les premières initiatives d’économie circulaire de la ville. L’immense besoin de rénovation est l’occasion d’expérimenter de nouvelles façons de faire.
Nous vous emmenons à la rencontre de Regina, pour qui le gaspillage alimentaire est une hérésie, de Solucoes Urbanas qui travaille avec un béton recyclé spécialement développé par LafargeHolcim, de Zebu et MateriaBrasil, pionniers de l’écoconception à Rio et de bien d’autres entrepreneurs qui participent à l’émergence d’une conscience environnementale dans l’une des plus belles villes du monde, de par son cadre géographique et naturel exceptionnel.
Travail avec les entrepreneurs
Lucas Chiabi – Fondateur de Ciclo Organico
Chaque jour, des tonnes de déchets alimentaires sont générés par les nombreux foyers de Rio de Janeiro. En se décomposant, ces déchets organiques émettent de grandes quantités de méthane, gaz à fort effet de serre.
Avec Ciclo Orgânico, Lucas propose aux cariocas de collecter leurs déchets organiques afin de les composter.
Cet entrepreneur a mis en place un service local de récupération des déchets organiques : en échange d’un abonnement mensuel très abordable (environ 15 tickets de métro à Rio), un coursier récupère chaque semaine vos déchets à domicile et vous les échange contre du compost utilisable en tant qu’engrais.
Premier prix du Shell Iniciativa Jovem et mentionné par de nombreux médias brésiliens, Ciclo Organico connait un succès grandissant. Une particularité de son initiative : la récupération des déchets et la livraison du compost sont effectuées en vélo afin de concilier chaîne logistique zéro carbone et efficacité en milieu urbain dense.
Découvrez en plus en lisant notre étude de cas (https://lc.cx/4YNS) et retrouvez toute l’actualité de Ciclo Organico sur son site internet ou sa page facebook !
Ciclo Organico et ReCube :
Nous avons échangé avec Lucas à propos de la mesure de son impact environnemental.
Sa solution présente un triple impact positif :
•En récupérant à vélo les déchets organiques afin de les traiter localement, Lucas leur évite de parcourir des dizaines de km pour finir en décharge, sort réservé à l’intégralité des déchets collectés à Rio. Les déchets organiques étant constitués à 80% d’eau, ceux-ci sont denses et leur transport en camion particulièrement coûteux et émetteur de gaz à effet de serre.
•D’autre part, chaque déchet organique qui se décompose en décharge émet du méthane, gaz à effet de serre particulièrement nocif. Cette émission de méthane est évitée et remplacée par du CO2 si la décomposition des déchets s’effectue en présence d’oxygène; ce qui est le cas dans un composteur.
•Enfin, le compost produit constitue un excellent fertilisant organique qui se substitue aux engrais chimiques classiques et évite leur production.
Il est possible de regrouper ces 3 impacts positifs sous la forme d’un équivalent carbone à l’aide des outils de la base carbone l’ADEME.
Nous avons également échangé en détails avec Lucas sur les perspectives de développement de sa start-up. Ses unités de compostage sont en effet modulaires et suffisamment simples à construire pour lui permettre de suivre la forte croissance de sa clientèle au plus près et sans investissement financier important. Ce modèle de développement est particulièrement intéressant car tout l’enjeu pour les initiatives que nous rencontrons est de réussir à grandir sans pour autant perdre leur côté circulaire. .
Dans le cas de Ciclo Organico, une piste de croissance serait de proposer son service à des immeubles entiers ce qui permettrait de rationaliser la chaine logistique et de multiplier son impact !
LafargeHolcim et Solucoes Urbanas – Un béton constitué à 50% d’air
Tout commence début 2015 lorsque LafargeHolcim se rapproche de l’ONG Soluções Urbanas (SU) qui travaille à l’amélioration des conditions de vie dans les favelas. A Rio, plus de 20% des habitants vivent dans ces quartiers pauvres et localisés sur les reliefs escarpés de la ville.
Les besoins en matériaux de construction y sont importants et les grands groupes sont peu présents sur ce marché, avec une offre souvent inadaptée. L’idée de LafargeHolcim en partenariat avec SU : s’appuyer sur la connaissance du terrain de l’ONG pour développer un béton léger, isolant et économique, intégrant plus de 50% de polystyrène recyclé. Les propriétés du polystyrène en font un excellent isolant thermique. Utilisé en complément de béton classique, ce nouveau matériau permet d’améliorer les performances thermiques de bâtiments situés dans les quartiers les plus pauvres de Rio.
Découvrez en plus en lisant notre étude de cas (disponible très prochainement!) et retrouvez toute l’actualité de Solucoes Urbanas sur leur site internet ou leur page facebook !
LafargeHolcim Brésil, Solucoes Urbanas et ReCube :
Nous avons rencontré les responsables du développement de ce nouveau béton chez LafargeHolcim ainsi que les membres de l’ONG Solucoes Urbanas lors de la visite d’un projet pilote d’utilisation de ce béton dans une favela de la banlieue de Rio. Cette visite a été l’occasion d’échanger avec les habitants de la favela, principaux bénéficiaires du projet et de mieux comprendre les problématiques auxquelles ils sont confrontés. Situées à flanc de montagne sur des pentes pouvant dépasser 20%, les favelas sont des quartiers impossibles d’accès pour des camions ou bétonneuses et pourtant, la plupart des bâtiments ont un besoin urgent de rénovation.
Nous avons poursuivi notre collaboration avec LafargeHolcim en travaillant une journée dans leur centre de R&D et en visitant le laboratoire où les nouveaux matériaux sont développés et améliorés.
En termes d’impact environnemental, nous avons identifié un bénéfice lié au remploi de polystyrène dans le béton. Le recyclage de ce dérivé du pétrole est en effet un véritable défi technologique et la solution développée constitue une solution simple et efficace pour le réemployer. Nous avons ainsi pu poursuivre une réflexion déjà entamée avec l’entreprise mexicaine Kitcel qui transformait le polystyrène en vernis et peintures (par ici pour vous rafraichir la mémoire, si besoin !).
Materiabrasil – La bibliothèque des matériaux durables
Cette agence de design a une vision : utiliser des matériaux durables pour créer des objets sur mesure et respectueux de l’environnement. Au fil des différents projets réalisés, les fondateurs ont gardé une trace des matériaux utilisés et constitué une véritable bibliothèque de matériaux. Cette bibliothèque est aujourd’hui participative, gratuitement accessible en ligne et 10 nouveaux matériaux y sont enregistrés chaque semaine. Les matériaux durables sont souvent difficiles à identifier et comparer.
En les regroupant au même endroit et en les évaluant de façon identique, MateriaBrasil facilite les recherches des entreprises souhaitant initier ou approfondir une démarche d’écoconception.
En rendant ce service gratuitement, MateriaBrasil donne un véritable coup de pouce à l’écoconception au Brésil et la notoriété croissante de la bibliothèque aide l’agence à décrocher des missions. MateriaBrasil a notamment réalisé, en collaboration avec l’agence de design ZEBU, une commande de 45 000 souvenirs pour la FIFA lors du mondial de football 2014.
Envie d’en savoir plus ? Découvrez notre étude de cas (https://lc.cx/4YNq) et jetez un œil à la bibliothèque : http://www.materiabrasil.com/explore
MateriaBrasil et ReCube :
Materiabrasil a partagé avec nous le set d’indicateurs qu’ils ont développé pour évaluer la durabilité de chacun des matériaux enregistrés sur la plate-forme. L’évaluation se fait de manière systématique et qualitative.
Nous avons également mené une réflexion sur les impacts de Materiabrasil avec sa bibliothèque de matériaux en open-source. La tache est d’autant plus ardue que la bibliothèque est dématérialisée : il n’est pas évident de recenser les utilisateurs, leurs projets et encore moins les résultats qu’ils ont obtenus. Les résultats sont qualitatifs et donnent une bonne idée des impacts possibles d’une démarche d’écoconception.
En voici quelques-uns à titre d’exemple :
Environnementaux :
Les informations sur le lieu de production permettent d’identifier un producteur proche et de réduire les émissions de CO2 liées à la chaîne logistique.
De nombreux matériaux biosourcés sont recensés sur MateriaBrasil. En se substituant à d’autres matériaux, ils limitent les impacts négatifs sur les milieux naturels dont ils sont extraits.
Sociaux :
La plate-forme met en avant les conditions de travail et la gouvernance au sein de l’entreprise productrice, chose rare dans un pays comme le Brésil.
Économique :
La plate-forme propose de mettre directement en relation l’utilisateur et le producteur, réduisant ainsi le nombre d’intermédiaires et le prix final du matériau.